La stratégie du gouvernement plusieurs fois prise en défaut

Publié le par SEP (Syndicat de l'Education Populaire)


Le "retournement" de l'UNSA a échoué, admet-on au gouvernement...

Le gouvernement a été réactif et soudé depuis le lancement de la réforme. Mais il n'a pas réussi à stopper la grève à la RATP, comme il l'espérait, ni à prendre appui sur l'Unsa.
 
Source : Les Echos [ 22/11/07 ]


Depuis l'ouverture du chantier de la réforme des régimes spéciaux, l'organisation bien huilée de l'exécutif a été largement mise en avant : suivi en direct de l'Elysée, coordination avec Matignon, symbiose avec les directions des entreprises concernées, liens permanents du ministère du Travail avec les syndicats, etc. De fait, tout en se montrant très réactif, l'Etat a évité tout dérapage verbal ou erreur manifeste dans la négociation, qui aurait pu conduire à faire capoter la réforme. Tout n'a pourtant pas marché comme prévu.


· Les syndicats de la RATP n'ont pas lâché les cheminots

Le gouvernement et la direction de la SNCF ont d'emblée focalisé leurs efforts sur les conducteurs autonomes de la FGAAC (30 % des agents de conduite), afin qu'ils se désolidarisent de la grève. Avec succès (dès le soir de la grève du 18 octobre), quitte à permettre aux conducteurs de partir en retraite sans pénalité à 52,5 ans. Après la grève du 14 novembre, il s'agissait d'isoler les cheminots : la reprise du travail a été facile à obtenir à EDF et GDF, qui n'ont pas la culture des grèves illimitées, mais, alors que le gouvernement tablait sur un essoufflement rapide à la RATP, les perturbations dans le métro parisien et le RER A et B (qui transportent respectivement 1,1 million et 500.000 voyageurs par jour) constituent le point noir depuis neuf jours, et expliquent la pagaille en Ile-de-France. La RATP souligne le très fort taux de grévistes chez les conducteurs de métro et de RER. « Nous ne pensions pas qu'ils réagiraient aussi vivement, sachant qu'ils sont peu affectés par la réforme. Nous ne les avions donc pas «ciblés» spécifiquement », reconnaît un conseiller gouvernemental. De fait, les conducteurs de la RATP, qui peuvent cesser le travail à 50 ans, partent déjà en retraite, en moyenne, à plus de 52 ans. Ils ne seront donc quasiment pas affectés par la décote, mais ils se battent contre la suppression des bonifications de carrière pour les nouveaux agents.


· Les tentatives de séduction de l'Unsa ont échoué

La CFDT, la CFTC et la CGC ayant une audience limitée à la SNCF et à la RATP, l'exécutif a beaucoup misé sur l'Unsa (deuxième syndicat dans ces entreprises) pour limiter l'impact des grèves. Il a bien cru y parvenir à la RATP, mais, le 8 novembre, la ligne dure (incarnée par l'Unsa Bus) l'a emporté de justesse et le syndicat s'est engagé dans un préavis reconductible. L'Unsa Cheminots a suivi la stratégie unitaire de la CGT. « Le retournement de l'Unsa a échoué », admet-on au gouvernement, qui a constaté, avec une certaine aigreur, le peu de pouvoir de la confédération sur ses organisations dans les transports, et les divisions au sein même de l'Unsa à la RATP. C'est bel et bien la CGT qui a offert une porte de sortie.


· Les enjeux financiers suscitent des tensions entre les entreprises et Bercy

Derrière l'unité de façade, les rapports entre les directions d'entreprises et l'exécutif ne sont pas simples. Les régimes spéciaux ont, longtemps, été utilisés par la SNCF et la RATP pour accorder des avantages à leurs agents sans impacter leur compte de résultat (un « treizième mois pension » a encore été récemment instauré à la RATP). La réforme impose le mouvement inverse. Mais des réflexes perdurent. Ainsi, quand la SNCF propose une hausse de 1 % de salaire par année supplémentaire travaillée en fin de carrière, le coût est quasi nul pour l'entreprise, mais il est majeur pour le régime de retraite (la pension restant calculée sur les six derniers mois), donc pour l'Etat, via la subvention d'équilibre. « Ce n'est pas forcément ce que nous recherchons... », commente un des pilotes de la réforme. Ainsi, Bercy a donné l'alerte, la semaine dernière, à la lecture du préaccord négocié à la SNCF avec la CFDT, la CFTC et la CGC. A la RATP et à la SNCF, les directions ont accepté de négocier l'intégration de certaines primes dans le calcul de la retraite (en moyenne, 14 % du salaire ne sont pas pris en compte à la RATP, 16 % à la SNCF).


· Des aménagements à la réforme qui risquent de peser en 2008

Cette prise en compte directe des primes, même si elle devrait rester minime, était exclue dans le document d'orientation présenté par Xavier Bertrand le 10 octobre, qui prévoyait simplement, comme cela a été fait en 2003 pour les fonctionnaires, de mettre en place des systèmes de retraite complémentaire en faisant cotiser les salariés sur les primes. La différence est notable, car dans le cas de la RATP et de la SNCF, le bénéfice est immédiat. Au risque de voir les fédérations de fonctionnaires réclamer les mêmes avantages lors de la deuxième étape de la réforme des retraites, en 2008. Elles pourront aussi et surtout revendiquer l'assouplissement de la décote réduisant la pension en cas de trimestres manquants : dans les régimes spéciaux, elle ne s'appliquera que sur deux ans et demi maximum en 2012, puis trois ans et demi ensuite, contre cinq ans dans le privé et le public.


ÉTIENNE LEFEBVRE

Publié dans Analyses

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