Renucci ne soutient pas Bayrou !

Publié le par SEP (Syndicat de l'Education Populaire)

 

L'acteur n'a pas apprécié d'être enrôlé malgré lui par certains médias dans le camp de François Bayrou.
Politique et people, qui soutient qui ?
Par Robin RENUCCI
 
Source : Libération QUOTIDIEN : vendredi 13 avril 2007
 
 
Robin Renucci comédien, président de l'association des Rencontres internationales artistiques.
 
 
La campagne pour l'élection présidentielle s'achève. Chacun aura bientôt, en conscience, à choisir son (sa) candidat(e) dans les urnes. Il en va de la liberté républicaine et du droit de chaque citoyen de faire savoir auparavant, ou pas, s'il entend soutenir publiquement l'un ou l'autre. Réalisateur, acteur de théâtre et de cinéma, à ce titre modestement connu du public, j'ai choisi pour ma part de n'affirmer aucun engagement public.
Pour autant, j'ai accepté de dialoguer avec plusieurs candidat(e)s sur quelques thèmes pour lesquels, avec d'autres, nous militons depuis des années : les questions de l'art et de la culture dans l'éducation, de l'éducation populaire, de la transmission... Pour ce faire, j'ai répondu notamment à l'invitation de François Bayrou lors d'une rencontre publique au Sénat, en présence de nombreux professionnels de l'art, de la culture et des médias, comme j'ai accepté le dialogue avec Marie-George Buffet dans les colonnes de l'Humanité, ou encore avec de nombreux militants socialistes. Le débat fut parfois rugueux et, je l'espère, utile. Mais voilà...
Trois secondes sur une image télévisée ont suffi pour qu'aussitôt la rumeur enfle à vitesse d'Internet : «Robin Renucci soutient François Bayrou !» Récemment, plusieurs quotidiens (la Tribune , le Figaro) ont repris cette information.
Il n'y aurait rien de déshonorant à une telle attitude, mais il se trouve qu'elle est inexacte. Me voici enrôlé de force, par des médias peu soucieux de précision, dans la horde des «people», sans autre possibilité que d'essayer, à main nue, de freiner la rumeur. Tâche surhumaine !
En tirer au moins quelques réflexions...
D'abord, le plus grand respect pour ceux qui s'engagent véritablement, telle Ariane Mnouchkine et le beau texte qu'elle vient de livrer dans vos colonnes (1). Cet engagement-là, lucide, construit et déterminé, est le plus noble. Mais hors de ce comportement exemplaire, que faire ? Entre le silence prudent ­ trop prudent ­ et la libre parole exposée ­ trop exposée ­, quelle peut être la place d'un véritable dialogue républicain entre artistes et politiques ? N'aurions-nous, modestes saltimbanques, que le choix de nous cacher (l'artiste silencieux, mystérieux, hors du temps et du conflit politique, neutre dans l'adversité pour préserver la pureté de son art et ­ surtout ­ de son image) ou celui de l'allégeance (poser sur la photo, adhérer au comité, ajouter son nom à la liste...) ? Où et comment mener le débat public indispensable entre artistes et politiques, sans aussitôt se trouver enrôlé ? Les politiques ont-ils vraiment besoin de ces «comités» artistiques pour consolider leurs positions électorales ? Est-ce le rôle des artistes de contribuer à la vie politique de cette manière ? Qui soutient qui, en vérité, dans ce jeu de notoriétés supposées ? Les journalistes, enfin, ne trouvent-ils pas là un «angle» facile, amalgamant dans un fourre-tout «people» à la fois des comédiens, des académiciens, des auteurs, des sportifs, des chanteurs, des vedettes de télévision... qu'aucune idée commune sur le monde et sur l'art ne rassemble pourtant ?
Ainsi va notre monde médiatique. Incertain et approximatif. On rêve pourtant d'un vrai débat public, contradictoire, sur le rôle de l'art et de la culture dans notre société bouleversée, sur la place et la responsabilité de chacun. Bref, un débat républicain entre artistes et politiques. Pour la prochaine campagne, peut-être ? En attendant : aux urnes, citoyens !
 
 
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